
L’Association Climatologique de la Moyenne-Garonne et du Sud-Ouest (ACMG) propose aux agriculteurs et toutes personnes intéressées une assistance et des solutions techniques pour la gestion des aléas climatiques au quotidien. Retrouvez l’interview de Jean-François Berthoumieu, Directeur d’ACMG et spécialiste de la grêle.
1/ Bonjour Mr Berthoumieu et merci d’avoir accepté cet interview. Afin de mieux vous connaitre, pourriez-vous svp nous renseigner sur votre parcours ?
Fils d’agriculteur j’ai fait des études de math et de physique à l’Université de Toulouse où j’ai terminé en 1979 par un doctorat en mécanique des fluides sur la convection naturelle à l’ONERA CERT. En parallèle et depuis 1976 j’ai participé en tant que pilote et météo à deux campagnes de pluie provoquée au Burkina Faso (Haute-Volta) et de 1977 à 1979 sur Agen à trois campagnes de lutte anti grêle par avion. J’ai été ensuite invité par l’Alberta Research Council (Canada) à faire un Postdoc de 16 mois où j’ai participé à leur recherche sur la lutte anti grêle par iodure d’argent et avion comme elle se poursuit encore aujourd’hui dans la région de Calgary et Red Deer.
De 1981 à 1984 j’ai été embauché par l’ACMG (Association Climatologique de la Moyenne-Garonne et du Sud-Ouest) comme responsable de l’étude radar de la climatologie des orages et de la grêle en Lot-et-Garonne avec Météo-France et le GNEFA. Depuis 1985 je travaille dans cette Association d’agriculteurs dont je suis devenu le directeur dans les années 90.
Je suis un expert au niveau mondial des questions de modification du temps pour la pluie provoquée et la lutte contre la grêle comme des questions de gel ou de pilotage de l’irrigation. Depuis 2014 je préside le Cluster Eau & Adaptation au changement Climatique de la Nouvelle Aquitaine.
2/ L’Association climatologique de la Moyenne-Garonne et du Sud-Ouest (ACMG) travaille depuis longtemps sur le sujet de la grêle. Pouvez-vous nous donner quelques précisions ?
L’ACMG a démarré la lutte avec des fusées paragrêle au début des années 60 et elle est rapidement passée à la lutte par avion avec des noyaux de congélation jusqu’en 1980. De 1981 à 1984 elle a participé sans lutte active à l’étude de la climatologie des orages et de la grêle de Lot-et-Garonne, ce qui l’a amené à suspendre la lutte précédemment réalisée. Elle a montré que le risque grêle est faible (moins de 8% des orages) et très aléatoire ce qui permet toutes les interprétations sans pouvoir les contredire surtout si aucun moyen radar n’est disponible pour décider des traitements et observer leurs effets.
Elle a alors travaillé pour développer les filets paragrêle et l’assurance récolte.
Cependant à partir de 1991 et 1992 le nombre plus élevé de cas de grêle l’a poussée à réfléchir à d’autres solutions de réduction du risque de grêle. Elle s’est alors appuyée sur les résultats du Dr Mather (Afrique du Sud) qui venait de démontrer que l’ensemencement avec des sels hygroscopiques permet d’accroître la vitesse de formation de la pluie et ainsi réduire l’altitude moyenne du centre de gravité de l’orage. Cela se traduit par une proportion moins élevée d’eau qui se transforme en glace en altitude et au contraire par un rendement de pluie plus élevé. De 1994 à 2003 plus de 125 orages ayant une forte probabilité d’être grêligènes ont été traités sur la Moyenne-Garonne et suivis par radar. Un travail statistique d’universitaire a confirmé la tendance à la réduction de la grêle et les travaux ont été publiés via l’OMM et le journal La Sécheresse. Parallèlement la couverture filet para grêle s’est développée et en 2003 il a été décidé de suspendre les ensemencements par avion d’autant plus que l’on n’était pas capable de voler de nuit ce qui est le principal frein au développement de cette technologie par avion.
Depuis 2003 une trentaine de pilotes, cinquante météorologues et une dizaine de scientifiques de six pays étrangers ont été formés à cette technique d’ensemencement par sels hygroscopiques. L’ACMG avec sa filiale commerciale Agralis demeure vigilante sur les travaux scientifiques en cours dans ce domaine où pour l’instant rien n’est venu modifier ses conclusions issues de ses 55 dernières années.
3/ Contre la grêle, il existe plusieurs solutions de lutte active et 2 principes actifs (le iodure d’argent et les sels hygroscopiques). Après une étude de 3 ans sur les sels hygroscopiques, quel est votre conclusion ?
Que les sels hygroscopiques ont été les seuls qui m’ont permis de voir une trace visible de l’ensemencement sur les images radar. Avec les sels hygroscopiques, suivant un tirage au sort avec placebo, on a presque toujours observé une accélération du processus de formation de la pluie en phase liquide ce qui projette au sol plus rapidement une forte proportion de l’eau qui pénètre auparavant à l’état vapeur dans la cellule orageuse. Du même coup cela réduit d’autant la partie glace qui se forme à des altitudes plus élevées et qui parfois n’a pas le temps de fondre avant d’atteindre le sol.
4/ L’ACMG et SELERYS sont partenaires. En quoi les solutions SELERYS (SKYDETECT™) apportent un plus dans la lutte contre la grêle ?
C’est surtout la possibilité d’ensemencer les nouvelles cellules en formation aussi bien de jour que de nuit. Avec l’avion on a essayé de nuit mais la majorité du temps on était en dehors de la zone d’ascendance et les sels étaient gaspillés. Avec la méthode proposée par SELERYS on déduit des observations radar la zone de régénérescence de l’orage, là où les nouvelles cellules filles se forment et qu’il faut ensemencer afin que 10 à 20 minutes plus tard ce soit plus de la pluie qui tombe à la place de la grêle.
[ Interview réalisée en décembre 2016 ]
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